Doc R5/02/20

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Notre conclusion

FAUX

À moins que le produit soit présenté comme médicament, un tel produit n’est pas forcément un médicament.  À cet effet, six autres critères doivent être évalués.

 

L’allégation

Un complément alimentaire peut contenir des ingrédients dont on sait qu’ils ont une action pharmacologique.  C’est par exemple le cas pour des composants de denrées alimentaires comme l’ail, la vitamine D, la mélatonine ou des extraits de plantes. Bien qu’il n’existe pas de définition claire d’‘action pharmacologique’, on peut supposer qu’il s’agit d’une série d’actions immunologiques ou métaboliques.

L’on prétend parfois que ces produits doivent forcément être classés dans la catégorie des ‘médicaments en raison de leur action’.

Dans le passé, cette allégation a fait l’objet d’analyses juridiques très approfondies au niveau européen.  La conclusion est sans équivoque : il est faux de croire qu’un produit contenant un ingrédient à action pharmacologique sera automatiquement classé dans la catégorie des médicaments.

En particulier, l’arrêt “Hecht-Pharma” de la Cour Européenne de Justice en a fixé les principes (2)(3)(4)(5).  Par conséquent, un extrait d’ail, malgré son action pharmacologique, n’a pas été classé dans la catégorie des ‘médicaments’. 

Sur la base de cette jurisprudence, et de toutes les affaires examinées par la suite, nous pouvons formuler les principes clairs suivants.

Condition de base 1

Nous supposons dans le reste de ce texte que le produit en question n’est pas présenté comme un médicament ou n’est pas compris comme tel par le consommateur.  Ceci implique que le produit ne présente ou ne contient aucune allégation démontrant une quelconque action thérapeutique ou préventive.  En effet, celle-ci conduit presque toujours à un classement dans la catégorie des ‘médicaments’.

Condition de base 2

L’évaluation d’un produit quant à son éventuel statut de médicament ne peut être réalisée qu’au cas par cas pour un produit individuel et jamais pour tout un groupe de produits simultanément.(1)  On ne peut donc jamais affirmer que ‘tous les produits contenant x mg du composant Y’ sont forcément un médicament.  De telles décisions ne peuvent donc pas intervenir ‘par ingrédient’, elles doivent toujours être prises ‘par produit fini’.

Critères requis

D’après la jurisprudence de la Cour Européenne de Justice, pour classer dans la catégorie des médicaments un produit ayant une fonction pharmacologique, immunologique ou métabolique, il convient de prendre en considération les six critères suivants.  Chaque critère intervient dans la décision.  En cas de doute, il incombe aux Autorités Nationales de prouver qu’un produit (pas un ingrédient) est ‘un Médicament par Fonction’, sans qu’il subsiste le moindre doute à ce sujet. (10)

Voici un résumé.

  1. La composition et la forme d’administration

L’ensemble de la composition a son importance, y compris la substance active, les auxiliaires, les agents de charge et la forme d’administration.  Le fait que le produit soit proposé sous la forme d’un ‘comprimé’ (capsule, petit comprimé, capsule molle,…) n’en fait pas automatiquement un médicament.  Une poudre en sachet qui doit être administrée avec un liquide peut conférer un caractère davantage ‘nutritionnel’ au produit. Les composants typiques des compléments alimentaires comme les vitamines, minéraux, les acides aminés et les protéines sont connus du consommateur et confirment le caractère de ‘complément’.(8)(9)

  1. Les propriétés pharmacologiques

Dans le cadre de cette évaluation, il est essentiel de vérifier si la substance active est présente dans une quantité nettement supérieure à celle présente dans des conditions normales dans une alimentation équilibrée. Si ce n’est pas le cas, on peut avancer l’argument que le produit peut être considéré comme complément alimentaire.

  1. Le mode d’emploi

Les indications figurant sur l’emballage sont cruciales pour l’utilisation et donc pour la compréhension du consommateur.  Ici, la façon dont les allégations de santé sont mentionnées est essentielle.  Exemple : vous pouvez prétendre que la mélatonine ‘résout les troubles du sommeil’ mais permet également de ‘s’endormir en cas de décalage horaire’.  Ces indications entraîneront un classement dans la catégorie des médicaments dans le premier cas et dans la catégorie des compléments alimentaires dans le second.

  1. Le mode de distribution

En principe, cet aspect peut également jouer un rôle.  Un produit qui est également disponible librement dans le commerce et donc pas uniquement en pharmacie peut plus difficilement être classé dans la catégorie des médicaments.

  1. La perception du consommateur

Le mode de communication sur le produit à l’égard du consommateur joue un rôle majeur.  Si l’on évoque uniquement des ‘compléments à l’alimentation’ avec éventuellement une ‘contribution au fonctionnement normal de l’organisme’, le consommateur considérera assez facilement le produit comme un complément alimentaire.

  1. Les risques possibles

Naturellement, l’utilisation normale du produit ne peut en aucun cas donner lieu à des risques pour la santé du consommateur.  La jurisprudence indique qu’il doit y avoir un risque considérable pour la santé avant qu’un produit puisse, pour cette raison, être classé dans la catégorie des médicaments. (6)(7)

Références

  1. HLH Warenvertriebs GmbH et Orthica (Affaires jointes C-211/03, C-299/03 et C-316/03 à C-318/03), par 51 “… doivent décider au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, telles qu’elles peuvent être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi, l’ampleur de sa diffusion, la connaissance qu’en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation”.
  2. Affaire C-319/05  (‘Affaire de l’Ail’), par. 68 “Dans ces conditions, force est de constater que le produit en cause, dont l’incidence sur les fonctions physiologiques ne dépasse pas les effets qu’une denrée alimentaire consommée en quantité raisonnable peut avoir sur ces fonctions, n’a pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne saurait, dès lors, être qualifié de produit capable de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques au sens de l’article 1er, point 2, second alinéa, de la Directive 2001/83”.
  3. Affaire C-140/07 (Hecht-Pharma), Sommaire de l’arrêt, par. 3 “(…) Le critère de l’aptitude à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques ne doit toutefois pas conduire à qualifier de médicament par fonction des produits qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet physiologique significatif et ne modifient, dès lors, pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement.”
  4. Affaire C-319/05  (‘Affaire de l’Ail’), par. 60, “... ne doit pas conduire à qualifier de médicament par fonction des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient dès lors pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement.
  5. Affaire C-319/05  (‘Affaire de l’Ail’), par. 65 “ Cette affirmation est d’autant plus pertinente dans le cas des produits qui, en plus d’être des compléments alimentaires, sont reconnus comme ayant un effet bénéfique sur la santé.  Ainsi que Mme l’avocat général l’a relevé au point 60 de ses conclusions, il existe en effet un grand nombre de produits généralement reconnus comme denrées alimentaires et que l’on peut objectivement utiliser à des fins thérapeutiques.  Cette circonstance ne saurait toutefois suffire à leur conférer la qualité de médicament au sens de la Directive 2001/83 ».
  6. Affaire C-319/05  (‘Affaire de l’Ail’), par. 69 “Enfin (…) le fait que l’ingestion du produit en cause présenterait un risque pour la santé n’est pas un élément permettant d’indiquer qu’il possède une efficacité pharmacologique.
  7. HLH Warenvertriebs GmbH et Orthica (Affaires jointes C-211/03, C-299/03 et C-316/03 à C-318/03), conclusion 6 “La notion de «limites supérieures de sécurité», figurant à l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la Directive 2002/46 concernant les compléments alimentaires, ne revêt aucune importance aux fins d’opérer une distinction entre les médicaments et les denrées alimentaires.
  8. Affaire C-88/07 (Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne), Par. 74 “Toutefois, le seul fait qu’une ou plusieurs plantes médicinales entrent dans la composition d’un produit ne suffit pas pour conclure que ce produit permet de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, ou d’établir un diagnostic médical, au sens de l’article 1er, point 2, sous b), de la Directive 2001/83.”
  9. Affaire C-88/07 (Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne), Par. 75 “En effet, il est possible que, eu égard notamment à la faible quantité de substance active qu’il contient et/ou à ses modalités d’emploi, un produit à base de plantes médicinales n’ait pas d’effet sur les fonctions physiologiques ou qu’il produise des effets insuffisants pour être un médicament par fonction (voir, par analogie, s’agissant de préparations vitaminées ou contenant des sels minéraux, arrêt Commission/Autriche, précité, point 63; voir également, en ce sens, arrêt Hecht-Pharma, précité, point 42). À cet égard, la Cour a jugé que des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient dès lors pas à proprement parler les conditions de son fonctionnement ne doivent pas être qualifiées de médicament par fonction (voir arrêts précités Commission/Allemagne, point 60, et Hecht-Pharma, point 41).
  10. Affaire C-140/07 (Hecht-Pharma), Sommaire de l’arrêt, par. 29 “Il convient, par conséquent, de répondre à la première partie de la première question que l’article 2, paragraphe 2, de la Directive 2001/83 doit être interprété en ce sens que cette Directive ne s’applique pas à un produit dont la qualité de médicament par fonction n’est pas scientifiquement établie, sans pouvoir être exclue. »