Examen de l’allégation :

Doc S6/04/17

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Notre conclusion

FAUX

Les compléments alimentaires qui sont commercialisés légalement en Belgique sont toujours dosés en toute sécurité.  Il n’existe aucune preuve scientifique indiquant que des doses normales ou même plus élevées provoquent des cancers. Il n’existe aucune étude démontrant que des compléments provoquent des cancers.

Lorsque l’on fait référence à des cancers provoqués par des compléments alimentaires, on renvoie toujours à quelques études parlant essentiellement de la vitamine A et E chez des fumeurs et des travailleurs de l’amiante. Toutefois, ces études ne peuvent pas être utilisées pour prouver l’allégation susmentionnée. Une récente analyse de cette allégation peut se résumer comme suit :

Trois grands ‘essais randomisés contrôlés’ ont analysé l’effet de la supplémentation à long terme de doses élevées de bêtacarotène sur le risque de développer un cancer du poumon. En Finlande, l’étude ATBC (« Alpha-Tocopherol Beta-Carotene Cancer Prevention Study ») a évalué l’effet de 20 mg/jour de bêtacarotène et/ou de 50 mg/jour d’alpha-tocophérol (vitamine E) chez plus de 29.000 fumeurs masculins (1), et aux États-Unis, la beta-Carotene and Retinol Efficacy Trial (CARET) a évalué les effets d’une association de 30 mg/jour de bêtacarotène et de 25000 IU/jour (= 7,5 mg/jour) de rétinol (vitamine A) chez plus de 18.000 hommes et femmes qui étaient des fumeurs ou d’anciens fumeurs ou qui avaient des antécédents de contact professionnel avec de l’amiante (2).

Dans ce cadre, nous constatons que les doses utilisées sont considérablement plus élevées que les doses autorisées dans des compléments alimentaires (en Belgique : vitamine A : 1,2 mg (=7,2 mg de bêtacarotène) et vitamine E : 39 mg) et sont également plus élevées que l’apport maximal tolérable de l’EFSA.

Dans les groupes composés de gros fumeurs (plus de 20 cigarettes par jour), cette dose élevée de bêtacarotène augmentait le risque de cancer du poumon de 18 % après cinq à huit ans dans l’étude ATBC et de 28 % après quatre ans dans l’étude CARET.

L’une des explications possibles est que l’environnement oxydatif du poumon, provoqué par l’exposition à la fumée ou à l’amiante, donne lieu à des produits inhabituels de dégradation des caroténoïdes impliqués dans le développement de cancers (3).

Cependant, d’autres grandes études n’ont pas démontré ces effets : la Physicians’ Health Study a analysé l’effet d’une supplémentation en bêtacarotène (50 mg tous les deux jours) sur le risque de cancer chez plus de 22.000 médecins hommes aux USA dont 11 % étaient des fumeurs (4).  Dans cette population, la supplémentation en bêtacarotène pendant plus de 12 ans n’était pas associée à un risque accru de cancer du poumon. Plus récemment, la Women’s Health Study (WHS) réalisée sur presque 4000 femmes, dont 13 % de fumeuses, qui prenaient 50 mg de bêtacarotène par jour, n’a pas révélé de risque accru de cancer du poumon pendant l’intervention d’une durée de 2 ans et au cours des 2 années de suivi après l’étude (5).

En 2012, l’EFSA (l’Autorité européenne de Sécurité des Aliments) a conclu que des études épidémiologiques menées sur de gros fumeurs qui prenaient des compléments de 6 à 15 mg par jour pendant 5 à 7 ans n’avaient pas démontré d’augmentation des cas de cancer (6). Une exposition au bêtacarotène par des additifs alimentaires ou des compléments alimentaires à des quantités inférieures à 15 mg/jour  ne suscite pas d’inquiétude quant aux effets négatifs dans la population générale, y compris chez les gros fumeurs.

Il est évident que le tabac est le principal facteur de risque du cancer du poumon. Aucun micronutriment ne peut compenser de mauvaises habitudes.

Les études CARET et ATBC sont également parfois utilisées pour prétendre que les antioxydants ne jouent aucun rôle dans la protection contre le cancer. Dans ce cas, il ne faut pas extrapoler non plus. En revanche, la valeur d’antioxydants comme la vitamine A, la vitamine E, la vitamine C et les caroténoïdes dans des thérapies anticancer est de plus en plus souvent confirmée dans des cercles médicaux et scientifiques (7). Il convient de faire davantage de recherches et d’exploration dans ce domaine.

Références

  1. The Alpha-Tocopherol, Beta Carotene Cancer Prevention Study Group. The effect of vitamin E and beta carotene on the incidence of lung cancer and other cancers in male smokers. N Engl J Med 1994; 330(15):1029–1035.
  2. Omenn GS, Goodman GE, Thornquist MD et al. Risk factors for lung cancer and for intervention effects in CARET, the Beta-Carotene and Retinol Efficacy Trial. J Natl Cancer Inst 1996; 88(21):1550–1559.
  3. Goralczyk R. Beta-Carotene and Lung Cancer in Smokers: Review of Hypotheses and Status of Research. Nutr Cancer 2009; 61(6):767-774.
  4. Hennekens CH, Buring JE, Manson JE et al. Lack of effect of long-term supplementation with beta carotene on the incidence of malignant neoplasms and cardiovascular disease. N Engl J Med 1996; 334(18):1145-1149.
  5. Lee I-M, Cook NR, Manson JE, Buring JE, Hennekens CH:  . J Natl Cancer Inst 1999; 91: 2102-2109.
  6. EFSA Groupe scientifique sur les additifs alimentaires et les sources de nutriments ajoutés aux aliments. Statement on the safety of beta-carotene use in heavy smokers. Journal EFSA 2012; 10(12):2953.
  7. Prasad KN, Kumar A, Kochupillai V, Cole WC (1999) High Doses of Multiple Antioxidant Vitamins: Essential Ingredients in Improving the Efficacy of Standard Cancer Therapy. J Am Coll Nutr 1999; 18(1):13-25.